La lutte anti-cancer progresse sur tous les fronts. Pour lutter contre ce terrible fléau responsable de 150 000 décès par an, les chercheurs développent actuellement des médicaments capables d’affamer les tumeurs. Une approche révolutionnaire.
Sans s’attaquer directement à la tumeur, de nouveaux médicaments ouvrent un nouveau moyen de combattre le cancer,
en privant les tumeurs des vaisseaux sanguins qui la nourrissent.
Affamer la tumeur et l’empêcher de proliférerDepuis plusieurs années, les chercheurs ont réussi à identifier différentes caractéristiques des cellules cancéreuses. Le but est de mieux savoir comment et pourquoi ces cellules se mettent à se multiplier de manière anarchique dans un organe avant d’en coloniser d’autres. Différentes caractéristiques de ces cellules cancéreuses ont récemment été mises en évidence, notamment sa capacité à mobiliser de nombreuses ressources à son profit.
Plus encore que les cellules normales, les cellules cancéreuses ont besoin d’oxygène et de nutriments pour leur croissance. Pour mobiliser une telle source d’énergie, ces cellules vont coloniser le système sanguin en attirant vers elle de nouveaux vaisseaux sanguins (phénomène d’angiogenèse). Ces nouvelles branches des vaisseaux sanguins normaux sont appelés des néovaisseaux. De mauvaise qualité, ces derniers peuvent se révéler poreux (la tumeur saigne et sa détection passe parfois par la présence de sang dans les urines ou les selles). Mais ils seront nécessaires à la tumeur pour créer de nouvelles tumeurs ailleurs dans l’organisme (
métastases). La cellule cancéreuse dispose ainsi de son propre réseau vasculaire pour grossir et proliférer.
La nouvelle stratégie anti-cancer vise ainsi à bloquer l’apparition de ces néo-vaisseaux afin d’affamer la tumeur et de l’empêcher de se répandre dans l’organisme. Privée d’énergie, la tumeur se nécroserait.
De la théorie à la pratique : plusieurs composés prometteursUne fois cet angle d’attaque défini, les chercheurs devaient identifier les molécules capables d’agir spécifiquement en bloquant la formation de ces vaisseaux sanguins sans présenter d’effets indésirables trop importants. Peu de médicaments sont aujourd’hui commercialisés mais beaucoup font actuellement l’objet d’essais thérapeutiques dans des centres hospitaliers. En septembre 2005, l’Avastin ® (bevacizumab) des laboratoires Roche est le premier médicament anti-angiogénique commercialisé dans le traitement du cancer colorectal métastatique non préalablement traité. Ce médicament empêche la liaison d’un facteur de croissance (le VEGF) à ses récepteurs disposés à la surface des cellules des vaisseaux sanguins.
Utilisé en association avec la chimiothérapie classique, ce médicament améliore la survie globale des patients de manière significative. Ce même produit est en cours d’évaluation dans le traitement du cancer du sein, du poumon, du pancréas, de l’ovaire et du rein.
Le sunitinib mis au point par les laboratoires Pfizer donne actuellement des résultats prometteurs pour le traitement des tumeurs stromales gastro-intestinales (cancer du tissu qui soutient les organes digestifs) et du cancer du rein métastatique. Face à cette dernière maladie, ces médicaments constituent un espoir pour des patients à qui on avait jusqu’alors peu d’options thérapeutiques à proposer après la chirurgie. Et les bénéfices vont de l’arrêt de la progression de la maladie pendant plusieurs mois à une régression quasi-complète des tumeurs !
Certains patients autrefois condamnés ont pu reprendre une vie normale. Néanmoins, il est actuellement difficile de parler de rémission complète, on ne sait pas si les cellules cancéreuses sont mortes totalement asphyxiées ou si elles sont capables de rester en sommeil. Disponibles actuellement dans le cadre d’essais thérapeutiques, ce médicament serait en cours d’enregistrement auprès des autorités de santé européennes et américaines et pourrait arriver sur le marché dès le début de l’année prochaine.
Plusieurs équipes médicales dans le monde testent actuellement des médicaments semblables pour traiter des formes métastatiques des cancers de l’intestin, du pancréas, du poumon, du sein, le mélanome… Lors de la conférence européenne sur le cancer de Paris, de très nombreuses publications ont permis de souligner à quel point cette voie de recherche apparaît prometteuse même si les effets sur le long terme de ces tout nouveaux composés restent à déterminer.